Ces mesures de surveillance domestiques que les nouvelles menaces d’Al-Qaïda imposent à la France <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Le 13 novembre 2015, les attentats du Bataclan ont fait 90 morts et des centaines de blessés.
Le 13 novembre 2015, les attentats du Bataclan ont fait 90 morts et des centaines de blessés.
©BERTRAND GUAY / AFP

Menace

Les mouvements salafistes-jihadistes Al-Qaida « canal historique » et l’« État Islamique » pudiquement renommé Daech n’ont pas disparu.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

Voir la bio »

L’Europe et particulièrement la France semblent rejetées en 2013 quand la publication en ligne d’Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA) « Inspire » dévoile dans son numéro 10 une liste de onze personnalités « recherchées mortes ou vives pour crimes contre l'islam » parmi lesquelles figure Stéphane Charbonnier alias « Charb », dessinateur à Charlie Hebdo.

Il est vrai qu’à l’époque, les menaces sont nombreuses sur la toile. « Inspire » étant l’organe de presse officiel d’Al-Qaida via sa branche yéménite AQPA – Al-Qaida dans la Péninsule Arabique -  (17 numéros dont le dernier est paru en 2017).

Daech ne voudra pas rester en reste lors de la création officielle du « Califat » en 2014 mettant en ligne dès octobre de la même année la revue « Dabiq » remplacé en septembre 2016 par « Rumiyah ». De 2014 à 2016, les Francophones ont droit à une version en français : « Dar al Islam ».

Le 7 janvier 2015, les frères Cherif et Saïd Kouachi deux terroristes se revendiquant d’Al-Qaida attaquent Charlie Hebdo. Le bilan est lourd : 12 tués, 11 blessés. Saïd avait reçu une formation de type militaire au Yémen en 2011 sous l’égide d’AQPA.

Amedy Coulibaly qui connaissait les frères Kouachi depuis un séjour en prison en 2005/2006 et qui a rencontré Cherif le 6 janvier (pour se coordonner avec les frères) la veille de l’attentat contre Charlie Hebdo passe à l’action le lendemain. Sa course meurtrière se termine le 9 janvier  dans la superette Hyper Cacher de la Porte de Vincennes : bilan : 5 morts et plusieurs blessés. Des revendications posthume citeront Daech. Mais il semble que Coulibaly était surtout un « indépendant » qui - comme les frères Kouachi - avait été influencé par Djamel Beghal, un ancien membre du Groupe Islamique Armé (GIA) algérien condamné à deux fois dix ans de prison en France puis expulsé vers l’Algérie en décembre 2018 où il vit en liberté. 

Dans le dernier numéro relayé par la presse française de « Sada Al-Malahim » (l’écho de la bataille), la version actuelle d’ « Inspire » mais en langue arabe (ce qui tend à démontrer que le public recherché n’est plus occidental), AQPA profère des menaces à l'encontre de l'Hexagone et de la Suède. Un montage photographique montre  un homme cagoulé et arborant sur son teeshirt « the lone mujahed » (les combattant pour la foi solitaire) et armé d'un fusil d’assaut de type kalachnikov intégrée à un montage montrant deux policiers français en pleurs.

Cette photo de Benjamin Filarski a immortalisé ce moment de compassion dans la rue de La Fontaine-au-Roi (où a eu lieu une des fusillades du 13 novembre 2015). Le Photographe précise : « [Les policiers] se recueillent devant des bougies, debout, côte à côte, comme la plupart des gens. Au bout d’une minute, l’un d’eux craque, s’est écarté de cinq mètres. Puis il tombe dans les bras de son collègue ».

Elle sera utilisée ultérieurement pour faire la « une » de Dar Al-Islam (Daech). Comme Dabiq son cousin anglophone, le magazine numérique est revenu sur les attentats du 13 novembre dans son édito, en plus d’un macabre portfolio en fin de magazine.

Il s’agit principalement de la reprise du communiqué par lequel Daech avait revendiqué les attaques du 13 novembre dès le lendemain, texte auquel l’auteur ajoute cette fois-ci quelques insultes supplémentaires:

« Pauvre France. Elle finit l’année comme elle l’a commencée dans les larmes et le sang. La minable petite France a été frappée de plein fouet par les lions du Califat, lors des attaques bénies du 13 novembre 2015, à Paris et Saint-Denis».

« Sada Al-Malahim » (AQPA) reprend donc en partie une présentation de Daech. Dans ce numéro, il est expliqué :« Il est désormais clairement apparent que la Suède a choisi de prendre la tête dans la guerre contre l'Islam et les musulmans parmi les pays de l'Union européenne [ faisant référence aux récents autodafés du Coran en Suède]. rivalisant ainsi avec la France, le Danemark et d'autres pour la première place dans la course à l'opposition à Dieu et à son messager ».

Le texte poursuit suggérant l'organisation d'actions dans ces pays européens : « La Suède, la France et d'autres pays qui combattent Dieu (...) ne comprennent pas simplement des paroles abstraites. Ils ne comprennent pas le langage du dialogue et de la communication (...) Ils ne comprendront pas et ne tiendront pas compte, jusqu'à ce qu'ils entendent des nouvelles comme ‘L'ambassade suédoise a été rasée suite à une explosion violente’ ou ‘Une attaque armée contre un ministère à Paris’. ».

Les mouvements salafistes-jihadistes Al-Qaida « canal historique » et l’« État Islamique » pudiquement renommé Daech n’ont pas disparu. Il est vrai que l’entité géographique du « Califat » islamique a disparu. Mais les deux mouvements agissent dans la clandestinité, que ce soit en Irak, en Syrie, en Egypte, en Afghanistan, en Extrême-Orient et leur nouveau terrain d’expansion est le Continent africain. Leur seul faible est leur rivalité…

Depuis les attentats de 2015, il semblait que ces deux mouvements salafistes-jihadistes n’avaient plus en cible immédiate les pays occidentaux. Mais si l’un des deux reprend le flambeau, il est à craindre qu’il ne se déclenche une surenchère entre les frères ennemis (ils partagentt la même idéologie). Leur objectif est simple : recruter de nouveaux adeptes et pour cela, il convient de se faire de la « publicité ».

Quant au côté « tactique » de l’affaire, les deux formations ne semblent pas avoir les moyens suffisants pour envoyer des activistes mener des opérations terroristes en Europe (bien que ce ne soit pas une chose impossible car peu coûteuse). Il va falloir surveiller que leurs discours ne sont pas repris par des apprentis terroristes endogènes (en France, plusieurs affaires impliquant des mineurs sont en cours).

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !